Toi je t'aime pas ! (ft. Estel)

Environ six ans avant les évènements présents - Timothy, onze ans

Caché derrière les lourdes tentures qui masquaient les fenêtres du lupanar, tu observais la nouvelle maquerelle. Autant le dire de suite, tu n'avais pas la moindre confiance en elle. Tu aurais préféré que ça soit encore tatie Beth qui s'occupe de tes mamans. Tu savais qu'elle était gentille et qu'elle était une bonne patronne. Du moins c'est ce qu'elles disaient toutes et tu n'avais pas de raison de ne pas les croire n'est-ce pas ? Après tout, tatie Beth était géniale ! Plus tard, tu voudrais être comme elle ! Et avoir le même chapeau aussi ! Parce que le chapeau ça faisait pirate ! Mais pour en revenir à la nouvelle, tu étais très très méfiant. Tu ne l'avais jamais vu avant, elle débarquait de nul part et elle croyait qu'elle allait pouvoir faire ce qu'elle voulait ? Et puis quoi encore ? Le lupanar était ta maison ! Les prostituées tes mamans ! Et l'ancienne gérante ta tatie ! Désolé madame y a plus de place dans la famille, repassez plus tard ! Genre dans trois siècles. Ou mieux : jamais. Tu ne comprenais vraiment pas pourquoi tatie Beth lui avait cédé le lupanar pour garder le Hollandais Volant. Est-ce que c'était pas mieux d'avoir les deux ? Certes, au quotidien tu ne résidais plus vraiment au lupanar, tu préférais squatter la vieille maison abandonnée avec Nef, Léon et les autres. Mais c'était quand même ta maison avec tes mères et tu te devais de les protéger, c'est ce qu'on fait avec la famille ! Et toi ta famille bah c'était elles et Beth. Et les Kids. Surtout Léon et Nef.

La nuit n'était pas encore tombée mais ça n'allait pas tarder. Cependant tu restais là à fixer Estel avec une attention non-feinte, bien planqué comme si tu préparais un mauvais coup. Pourtant, pour une fois tu ne préparais rien et tu t'assurais plutôt que ça soit pas elle qui vous fasse un sale coup ! Tatie Beth t'avait appris à rester discret comme une ombre et c'était super pratique pour piquer de l'or aux gens stupides. Ou pour récupérer un petit supplément aux gens qui essayaient de partir sans payer. De toute façon Beth leur faisait tellement peur qu'ils étaient obligés de payer. Le supplément c'était pour éviter qu'ils recommencent ! Et en plus t'avais le droit de garder une partie ! Mais là tu commençais à un peu avoir des coubartures. Après tout ça faisait plusieurs heures que tu étais en planque. Mais c'était pour la bonne cause, c'était important. Mais là tu commençais à vraiment avoir mal aux cuisses et aux genous. Tu tentais de déporter légèrement ton poids vers la droite pour soulager ta jambe gauche et grimaçais en entendant un petit craquement. Tu redressais la tête observant entre les rideaux pour voir si elle avait entendu quoi que ce soit.

Toi, je t'aime pas !
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Cela faisait maintenant un petit moment qu’une jeune métisse et sa petite sœur était arriver sur l’île de Nassau. Enfin bien intégrée sur l’île, l’anglaise s’était frayé un chemin d’abord en tant que tavernière pour pouvoir être hébergée, puis aujourd’hui comme maquerelle.

Fraîchement monter en grade, passant de serveuse dans une taverne à une grande madame tenancière d’un lupanar, Estel était fière. La jeune femme aurait pu détester, après tout elle a elle-même été dans la position de l’employée, pourtant elle s’en fichait. Ce qui comptait était les bénéfices. Pour avoir de l’argent elle a eu le statut de fille de joie, puis de tavernière, aujourd’hui elle a noué une relation de confiance commerciale avec la propriétaire des lieux alors elle en a forcément profité pour monter les échelons.

Aucune manipulation, pas envers Bethany Williams qui n’était pas du genre à se laisser manipuler. Ça Estel le savait. Elle a simplement fait savoir à la tenancière du Hollandais Volant qu’elle avait les mêmes objectifs qu’elle, le même sens du commerce et que le lupanar passe aux mains d’une autre personne l’arrangeait bien. Il fallait juste qu’Estel se montre honnête envers celle qui restait sa patronne.

Dans une sublime robe bleue rappelant les yeux clairs de la bâtarde, madame Jawara entrait au lupanar. La journée se passait sans encombre. Gérant les problèmes de tenue de ses filles, il faut dire que la demoiselle tenait à ce que ce lieu de débauche reste convenable. Estel a été prostituée de luxe, pour elle si luxure et luxe ont la même étymologie ce n’est pas pour rien. Alors oui elle tenait à ce que le lieu ne soit pas sale, soit plutôt accueillant et bien entretenue, même si la richesse ne coule pas à flot à Nassau, Estel sait rendre un lieu beau avec peu de choses. Elle tenait à ce que ses employées, bien qu’elle montre leurs atouts, ne possèdent pas non plus des tenues déchirés de partout. Le tissu est précieux, alors on fait attention tout de même. Après si elles souhaitent se montrer en petite tenue, Estel ne leur dit rien. Elle demande aussi un minimum de propreté… Après tout les clients ne le sont pas toujours et même si ceux-ci ne le voient pas, la métisse le remarque elle et trouve ça mieux pour ses employées d’être propre.

En quelques jours Estel avait imposer ses nouvelles règles à ses employées et les prostituées n’ont pas forcément râlé. Après tout, même si Estel paraissait sans coeur à utiliser des femmes pour se faire de l’argent, elle prenait soin de ces filles dans un sens. Elle ne se montrera pas maternelle avec ces femmes parfois plus âgées qu’elle, elle ne se montrera pas non plus copine avec, mais s’occupe d’elle. C’est ce qui lui apporte l’argent alors elle veut les avoir en bonne forme.

L’après-midi se passait plutôt tranquillement, Estel était sortie de son bureau pour garder un œil sur la salle, discutant avec certaines filles qui étaient seule. C’était ça aussi son métier, discuter. Ce n’était pas la plus sympathique des femmes qui soient au premier abord, mais si il fallait discuter alors elle le faisait. La nuit allait bientôt tomber tandis qu’elle gardait la partie bar pour essuyer quelques verres. C’est alors qu’un bruit retentit, ce n’était pas un grand bruit, mais la jeune femme était suffisamment près pour entendre. Son regard se tournait vers des rideaux, s’approchant doucement, ses mains attrapèrent chaque rideau et elle ouvrit le tout d’un coup sec. « Tiens, tiens… Ne serait-ce pas Timothy ? », demandait-elle avec une expression plutôt neutre. Elle le connaissait surtout de réputation et parce qu’elle l’a déjà croisé, mais jamais elle ne lui avait vraiment adresser la parole. « Que fais-tu cacher derrière les rideaux ? », ajoutait-elle dans un ton plus adouci. Maintenant qu’elle savait que ce n’était qu’un gamin elle était rassurée, si c’était une bestiole ça aurait été embêtant.

⇜ code by bat'phanie ⇝

Tu comprends que tu as été repéré lorsqu'elle tourne la tête vers les rideaux et qu'elle se dirige vers eux d'un pas vif. Crotte crotte crotte... Tu cherches encore un moyen de t'enfuir lorsqu'elle ouvre en grand les rideaux pour te faire face. Tel un ressort que l'on détend d'un coup, tu te redresses immédiatement en sautant sur tes jambes, ignorant les sensations désagréables des fourmis qui te piquent les jambes sous ta peau, ne montrant rien de ces dernières, levant la tête pour fixer effrontément la nouvelle maquerelle. Tu ne vas pas te laisser impressionner parce qu'elle est plus grande et plus vieille d'abord ! Tu es le protecteur des dames du Lupanar et même si elle en est désormais la gérante, ça ne change rien au fait que tu dois t'assurer qu'elle ne présente aucun risque. Raison pour laquelle tu te tenais ainsi face à elle, ignorant le fait que tu n'étais qu'un enfant.

Tes mères t'avaient toujours appris à avoir le plus grand respect pour les dames. Elles voulaient faire de toi un gentleman. Mais tu sais aussi que tu dois d'abord les protéger parce qu'elles sont ta famille et qu'on protège la famille. Même face à une dame. Raison pour laquelle tu ne prends pas les gants habituels de la politesse que tu t'empresses pourtant d'enfiler quand tu parles à une dame. D'habitude. Lorsque tu t'adresses à elle, pas besoin de les enfiler pour l'instant. "-Je te surveille. Tu débarques dans ma famille et Beth accepte de te donner le Lupanar. Je vérifie que tu fais pas de mal à mes mères.". Tu ne cherches même pas à mentir. Qu'elle sache que ses moindres faits et gestes sont épiés et qu'au premier pas de travers, tu lâches une colonie de cafards, de rats, de crapauds et de sangsues directement dans ses draps. Peut-être qu'au moins ça la dissuadera d'essayer de jouer les empêcheuses de tourner rond. Tes yeux se plissent tandis que tu ne lâches pas les siens et tu ajoutes "-Si tu fais du mal à ma famille, je ferais en sorte que tu passes chacune de tes nuits au milieu des sales bestioles. Pour commencer.". Pas de soucis, tu avais plein d'autres idées pour vous venger si jamais elle s'avisait d'être malfaisante. Et si jamais tu manquais d'idées, tu étais certain que Nef en débordait et que Léon ne serait absolument pas contre t'aider à jouer un sale tour à Estel si cela s'avérait nécessaire.

Tu te faufiles entre elle et le rideau et vient t'installer sur un des tabourets du bar pour te retrouver face à où elle était précédemment, déclarant avec un sourire angélique "-Fais pas attention à moi, fais juste comme si j'étais pas là !" Après tout maintenant que tu étais repéré, ça ne servait plus à rien d'essayer de cacher le fait que tu la surveillais bien au contraire. De toute façon personne ne s'étonnerait de te voir trainer ici, après tout c'était ta maison ! Même si tu étais moins souvent qu'avant ça restait chez toi et tu n'allais certainement pas arrêter de venir à cause de la nouvelle maquerelle, tu avais bien plus le droit qu'elle d'être ici et tu n'allais certainement pas te sentir gêné. Après tout tu étais bien plus à ta place ici qu'elle. Tu poses tes bras sur le bar avant d'y poser ton menton et lui adresses un nouveau sourire innocent sans avoir l'air de décoller tes fesses du tabouret. Si elle y voyait un problème elle n'avait qu'à en parler à tes mères. Ou mieux : à tatie Beth. Elle verrait bien si tu avais pas le droit d'être là d'abord.

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