want to try ? + killian

Tout le monde, hein ? Bethany lâchait un juron entre ses dents aux mots du roux. Les gens la respectaient, certes. Car elle a fait en sorte de paraître aussi dangereuse que les pires cauchemars de chacun des êtres foulants les terres souillées de Nassau. Les âmes qui y vivaient, étaient soit pourries comme le sol, soit bien trop pures pour un air aussi fétide et nauséabond que celui qu'elle respirait tous les jours, depuis de si longues années. Celui qu'elle menaçait d'une castration prématurée et dont le consentement n'était pas tout à fait clair... Ce rouquin. Qu'était-il ? Etait-il aussi mauvais, aussi bouffé par la gangrène de Nassau que le coeur de la rousse ? Ou était-il l'un des seuls êtres dotés d'une réelle honnêteté ? *Na'. Personne est sincère. 'Sont tous des p'tains de vic'lards.* Les orbes bleues roulaient dans ses orbites, faisaient presque un mal de chien à l'anglaise... "J'suis pas faible car j'ai bien montré qu'j'avais pas besoin de chien de garde ! Mais si un idiot d'chiot s'amuse à faire croire que..." La main se serrait sur le pommeau du coutelas, faisait craquer le tissu en bougeant légèrement la lame... Les mots du roux parvenaient aux oreilles de la femme à la chevelure aussi flamboyante que celle de l'homme. Le feu qui se propageait au centre de ses pupilles aux couleurs de l'océan. Eau et feu, un mélange des plus terrifiants, en une seule personne. "Tu trouves qu'c'est le moment d'me parler et d'me comparer à une stupide harpie ?!" Son humeur devenait orageuse à force d'entendre son vis-à-vis parler, d'écouter ses mots et d'en appréhender l'entièreté du sens. Un grognement grondait au fond de sa gorge, elle qui ne montrait pourtant que peu d'émotions, la colère était une de celles que ses connaissances discernaient le mieux. Surtout lorsque le bleu vrillait à la tempête, que la couleur hurlait tels les orages.

"Tout Nassau sauf l'mec d'hier ! Et toi, comme un con, t'as foncé dans sa connerie !" La main reprenait le coutelas, le retirait du matelas pour le jeter plus loin dans la pièce. La lame tintait sur le sol en bois de la chambre, cliquetait comme pour ponctuer les phrases de la rousse. Au moins, elle répondait à la demande explicite de cet homme dans ce lit qui appartenait, indirectement, à Bethany. Bethany qui fronçait les sourcils, qui le fusillait du regard. Paraître faible était ce qu'elle haïssait le plus. Ce qu'elle ne supportait pas. Ce qu'elle n'envisageait pas. Pourtant, lors de l'intervention de Killian, c'était ce qu'elle avait ressenti. Elle avait cru lire, dans le regard des gens présents, une sorte de haine propre aux prédateurs lorsqu'ils voyaient enfin un point faible à exploiter chez leur proie. D'un simple regard, d'un simple reniflement, ils savaient. Ils avaient su. Ils avaient flairer que la femme n'était pas que la dureté et la froideur qu'elle montrait tous les jours. Oui. En croisant leur regard, elle avait senti ce jugement. Ce poids de n'être qu'une femme au milieu de requins. Une souris au milieu de chats.

Au moins, le roux comprenait ses fautes. Il avouait qu'il n'avait pas été correct. Sans réellement comprendre. Sans vraiment assimiler le fait que, non, la réputation de Beth' ne tenait qu'à un fil dans cette ville. Comme celle de tout le monde. Sauf que les femmes avaient des faiblesses plus importantes que les hommes... De par leur sexe. De par leur statut dans cette société que la rousse ne comprenait pas, n'avait pas assez connue que pour s'y reconnaître. Elle, c'était la boue des marécages de Nassau, qui coulait dans ses veines. Pas la soie, ni le luxe, ni même la politesse. Lire, écrire, cela était rare et difficile. Compter, c'était appris sur le tas. "T'veux quoi ? Qu'j'te dise que t'as raison, Nassau, c'est un putain de paradis ?! J'y vis et j'sais que non ! Tu leur as montré qu'j'avais besoin d'aide, que j'étais pas infaillible ! Tu vas faire quoi, maint'nant ?! A part me rabâcher les oreilles que, na', ils m'croient pas faible ?!" Le pied qui volait, frappait dans l'armature en bois du lit, qui laissait une légère trace au milieu d'autres marques. Killian tentait déjà, trop souvent, de faire se poser la rousse. De l'obliger à accepter des sentiments qu'elle ne comprenait pas, dont elle ne croyait pas en l'existence. Une notion abstraite de la connerie humaine, de leur espoir en un meilleur. Le meilleur, ça n'existait pas. Le bonheur n'a jamais été réel. Une simple utopie pour les Hommes souhaitant se donner un sens à la vie et à leur avancée dans celle-ci. "Rhabilles-toi et dégage. 'Façon, t'dois bien pouvoir pioncer sur ton navire !" Maintenant, elle posait les mains sur les clés de la chambre, sur les clés qui appartenaient à elle avant d'avoir été confiée à ce roux pour lui permettre de loger le temps qu'il restait sur terre. Sauf qu'elle le mettait dehors. Elle le repoussait, elle se défendait en montrant qu'elle n'avait pas besoin de ce chien de garde, de ce chevalier servant en armure d'argent et d'or. "Et la prochaine fois, c'sont tes dents qui s'ront pétées dans l'bar, si t'oses recommencer !"

Je préférais ne pas bouger, ne pas faire un mouvement. J’étais bien placé pour savoir les humeurs de Bethany et là… Erm… Je tenais à ma vie… Et ma masculinité. Même si je restais aussi neutre que possible physiquement, intérieurement c’était légèrement la panique. Sérieusement… Je ne pouvais pas craquer sur une fille douce, non ? Non… Et je me mettais toujours dans la merde jusqu’au cou par moi-même avec elle en plus. Bordel… Encore heureux que ce n’était pas sur le navire que ça terminait ainsi, bonjour la crédibilité sinon !

Mais bon… Mettez-vous un peu à ma place… Comment vous sentiriez-vous si la femme à qui vous tentiez de faire comprendre que TOUT le monde n’était pas mauvais venait de mettre un coutelas entre vos jambes… Coutelas qui, heureusement, finit un peu plus tard au sol… AAAAAH mais pourquoi j’ai un karma de merde ?!

En plus… Quoi que je pouvais dire, madame le prenait mal, elle s’énervait de plus en plus, devenait froide. Je tentais pourtant ! Ouais, j’avais fait une connerie ! J’le savais bien, mais c’t’abruti m’avait… J’avais craqué, j’avais pas t’nus et v’la qu’j’continuais d’en prendre pour mon grade. Bordel. TOUT LE MONDE SAVAIT QU’LA MISS S’DEFENDAIT !

J’suis sûr qu’ce poivrot aussi, mais bon. M’dame pensait qu’na donc ça s’rait na. Qu’est-ce que je pouvais y faire. Je l’écoutais, simplement, ne répondait pas. Bon sang… Qu’est-ce qu’elle pouvait être têtue et axée sur sa vision quand elle s’y mettait… Enfin… je le savais, totalement… Parfaitement… Mais bon, à chaque fois c’était la même chose. Mes prunelles ne la quittaient juste pas. Pourquoi ne pouvait-elle pas croire que les gens ne lui voulaient pas spécialement du mal ? Y avait bien Afya qui était réellement douce, alors pour quelles raisons ne pensaient-elles pas que d’autres personnes pouvaient être comme elle ? Pas totalement, mais voilà…

« - T’as fini ? »

Mon ton plus cinglant malgré tout. Parce que bon… C’pas elle qui a encore manqué de s’en manger une, là.

« - D’un, j’ai pas parlé d’Paradis. Aucun lieu ne l’est. Et on est d’accord pour se dire qu’l’un des rares êtres blanc comme neige de c’t’endroit c’est Afya. »

C’était une vérité. Elle pouvait pas m’contredire pour une fois ou alors elle était VRAIMENT de mauvaise foi.

« - De deux, tu comptes foutre la paix un jour à c’lit ? Na, parc’qu’à c’rythme tu vas surtout le péter »

Pourquoi aurais-je honte de lui faire remarquer ça ? De toute façon, je savais bien que je m’étais déjà enfoncé avant alors bon. Si je le voulais, je pouvais aisément faire le contraire de ce qu’elle disait, utiliser ma force pour, sauf que non. Pas avec elle, pas avec certaines autres personnes non plus.

« - Quoi que j’dise, tu l’entendras pas d’toute façon. »

J’étais pas dupe. Trop habitué aussi au fil des ans, de mes venues, de ses mots. J’essayais de mettre de côté certaines choses, mais bon… C’était pas toujours simple… Toujours tenable. Je me redressais simplement, m’étirant vu qu’j’avais un peu les muscles en chocotes. Qu’elle voie tout, j’m’en fichais totalement sur le moment, j’étais juste encore dans un état un peu second.

Je me déplaçais ensuite dans la pièce, la terre se rappelant à moi. Avoir le pied marin avait quelques petits soucis au quotidien quand on revenait, un temps d’adaptation obligatoire et là… ça faisait bien trop peu de temps. Ma-gi-que. Je préférais quand c’était le Fuath qui tanguait, au moins c’était logique, pas comme maintenant.

Sauf qu’j’en profitais, j’restais un « pillard » de base… Et j’posais ma main sur la sienne, sur cette clef, avec un léger sourire taquin qui l’agacerait probablement. Hey, ça r’venait cher d’payer des trucs sur terre et trouver de l’or sur l’eau c’pas toujours simple ! J’pouvais aisément la récupérer ou… tout simplement retourner la situation, mais je n’en avais pas envie. Elle se protégeait, encore et encore… Si seulement j’trouvais quoi faire pour lui montrer, c’était ça qu’il y avait dans mon crâne plus qu’autre chose.

« - Comme d’habitude, tu m’repousses. Quoi qu’je fasse, c’est la même rengaine. Même quand j’fais rien. »

L’habitude. Même pas une lassitude, une habitude toute simple.

« - J’partirai après. Tu as le droit d’me traiter d’tous les noms, Bethany. J’l’ai dis, j’ai fait une connerie. »

J’aurais bien dit « tu as le droit de me frapper », mais même si le coutelas était loin actuellement ce n’était pas la phrase la plus sûre à dire dans un tel environnement. Parce qu’ouais, les gens l’savaient qu’elle avait un fucking caractère, qu’elle savait s’débrouiller. Tout comme ils savaient qu’certaines personnes avaient le sang chaud, mais ça elle l’omettait un peu trop souvent.

Le froid perpétuel rencontrait la chaleur devenue glaciale, celle qui est si froide qu'elle brûle de cette température si basse. Aucun des deux n'arrêterait de grogner, tant que l'autre n'aura pas baisser les yeux et accepter ses fautes - ou celles que l'accusateur ne cesse de lui incomber malgré son innocence réelle -. Killian le disait si bien : Bethany ne l'écouterait pas, elle ne comprendrait pas. Car elle ne se voyait pas du même regard que le roux. La rousse se voyait comme le déchet essayant de s'illustrer au milieu de la boue de cette ville, de montrer qu'elle n'était pas la gamine que son père martyrisait, frappait, insultait… Le roux, lui, observait plus loin que cette représentation qu'elle avait d'elle-même, il s'était fait sa propre interprétation d'elle. Une interprétation qu'elle n'arrivait pas à voir, à comprendre, à accepter. Il était la seule à la percevoir de cette façon, c'était alors avec véhémence qu'elle le repoussait, tout le temps, à chaque instant… Elle était beaucoup plus froide avec lui, avec ce pirate ne souhaitant pourtant qu'une chose. Une chose qu'elle ne peut concevoir, comprendre… Sa main sur la sienne, un geste tendre. Tendresse répondue par la violence, le retrait immédiat de ce toucher. "Me touche pas." Les doigts jouaient avec les clés de métal, les faisaient tourner entre eux dans un cliquetis constant. "Repose les mains sur moi et j'te les coupe." Un grognement à ses mots : le repousser, oui. Mais elle ne l'acceptait pas. En fait, elle ne le voyait pas comme ça… Pour Bethany, elle était "normale". Elle était comme avec tous les hommes, toutes les femmes… Distante, acerbe. La parole empoisonnée. Des paroles vraies ou fausses. Des mots teintés de vérité ou de mensonge. L'un ou l'autre, la rousse y croyait. "J'te repousse pas. J'te fais juste la l'çon car t'es pire qu'un gosse ! 'Faut qu'j'te le dise combien d'fois qu'j'suis pas à sauver ?"

Un autre grognement retenu au fond de la gorge de l'anglaise, elle se retenait de le "mordre" avec ses mots ou de le frapper, réellement. Ce sourire sur ses lèvres. Un sourire énervant, un sourire agaçant… "Dégage ce sourire d'ta gueule ou j'le fais avec les poings." Une attitude agressive, brutale… Une attitude tout à fait Beth'. Les doigts se serraient sur les clés, se retenaient former un poing pour frapper. "Alors, t'la feras plus. Tout simplement. - l'index le pointait désormais, le regard bleu plongé dans le sien - Et dégage d'ici. T'es dans mon établissement. Si j'veux te jarter dehors, t'as pas l'choix." Puis le doigt tournait, se posait sur les vêtements, les désignait pour attirer l'attention du roux. "Alors, j'te laisse juste l'temps de t'habiller. Enfin, s'tu fais pas l'con. Sinon, j'les brûle et tu t'pavanes la crevette à l'air jusqu'à ton navire." Elle ne baissait pas le regard. Elle n'avait pas peur. Elle n'avait aucune crainte, en apparence… En réalité, le roux arrivait un peu trop bien à gratter sous la couche qu'elle avait érigée autour d'elle, une protection branlante qui permettait de comprendre, petit à petit, sa peur d'être faible en ayant des sentiments, sa peur de n'être rien d'autre aux yeux des gens - surtout du roux - qu'une poupée, prête à être brisée dès qu'elle montrera une émotion.

Un souffle, un râle… Je m’y attendais, totalement. J’étais habitué, probablement de trop, au caractère de celle s’occupant des lieux. De celle… Ah… Je ne pouvais pas tomber amoureux de quelqu’un au tempérament moins enflammé ? Non, c’était celle refusant la moindre trace de tendresse, même si ce n’était pas ce qui était le plus habituel en ces lieux qui avait fait battre mon coeur…

Toujours aussi brutale, radicale. Je savais bien qu’elle n’était pas à sauver. J’étais bien placé pour le savoir, même. Un nouveau souffle. Je me fichais bien d’être entièrement nu dans la pièce, j’écoutais ses paroles qui me faisaient rouler des yeux.

« - Arrête de croire qu’je pense qu’t’es à sauver. »

Un râle, ce doigt tendu. Cette femme au tempérament si fort et en même temps… En même temps… Elle arrivait souvent à me mettre à mal. Pour une obscure raison, j’étais plus doux auprès d’elle, comme si elle calmait ce tempérament plus violent que je pouvais avoir sur le navire.

« - Pourquoi tu dis si ? Comme si t’étais pas la plus sûre à c’niveau ? »

Je savais bien qu’il ne fallait pas non plus trop la chercher, cela ne servirait à rien. Butée, elle pouvait l’être et j’attrapais mes vêtements tout en la scrutant. Habitué. Je fermais quelques instants les yeux, enfilant simplement ce que j’avais.

« - Au fait, s’tu veux frapper, frappe. Cela ne changera rien à ma manière d’être avec toi. »

Sincérité. Je ne levais pas la main sur elle, certes je la touchais, mais… Pas de la même manière que d’autres…

« - Bethany. Tu es forte. »

Des paroles, je savais que j’avais merdé la veille, qu’elle m’en voudrait pendant un moment. Une histoire d’habitude, de moments revenant inlassablement… Je ne détournais pas les yeux de la rousse, de ce bout de femme qui avait…

« - Ah… »

Ma main qui se serre sur le bois.

« - T’penses vraiment qu’tu dois grogner autant pour qu’j’comprenne ? »

Au moins, une fois habillé, y avait moins de risque qu’elle brûle ce que j’avais dû m’acheter… Avec ce que je n’avais pas employé ici. C’est qu’mon fric passait surtout dans la taverne quand j’y pensais.

« - T’as tant d’mal quand on t’touche ? »

Mon arme retrouvant son « espace », ce qui éviterait qu’elle l’emploie à nouveau… Et ne manque encore de couper quelque chose. Je me relevais, mes doigts glissant sur le bois avant de passer sur le mur. Je n’arrivais pas à ne pas la regarder… Avant de faire la moue, un son, provenant de plus bas… Une habitude gardée de quand je restais sur le navire, seul, en étant naturellement sur le qui-vive…

« - C’bien beau d’t’occuper d’moi en m’disant c’que je dois ou non faire, mais… T’as d’autres chats à fouetter, là »

Sérieux… Je l’étais…

« - J’te laisse gérer, j’ferai rien sauf si tu l’demandes. Toute façon, tu m’as dit de dégager, non ? Alors il est normal que je descende. »

Mes bras se croisant, je tenais à elle, mais je ne pouvais pas le montrer réellement. Alors que je le voulais...

« - Parce que ça, j'suis sûr qu'c'est ni Afya, ni Estel. »